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[FACT-CHECKING] – Présidentielle de 2024 au Sénégal : attention, ce prétendu sondage diffusé sur les réseaux sociaux n’est pas authentifié
Un internaute identifié comme Luka Malle a partagé le 19 mars 2024 sur le réseau social X (ex-Twitter) une infographie évoquant un sondage sur les candidats qui arriveraient en tête à l’issue de l’élection présidentielle du 24 mars 2024 au Sénégal.
D’après l’illustration qu’il a publiée, cette enquête d’opinion aurait été conduite par un « Centre d’études politiques international ». Ses résultats supposés placeraient en tête Bassirou Diomaye Faye, candidat d’une coalition autour de l’opposant Ousmane Sonko, devant quatre autres postulants (trois autres de l’opposition et celui de la coalition au pouvoir).
« Selon le Centre d’études politiques international, le peuple du 🇸🇳# Sénégal favorisera Bassirou Diomaye Faye lors de la prochaine élection présidentielle. Faye, candidat d’@SonkoOfficiel, symbolise la lutte pour la liberté et la justice sociale », peut-on lire dans son tweet.
L’alliance de fact-checkeurs pour l’élection présidentielle de 2024 au Sénégal, #SaytuSEN2024, a interrogé Luka Malle via ex-Twitter sur l’origine de cette enquête qualitative et ses prétendues conclusions. Il a répondu que ce sondage « n’a peut-être pas encore été publié ». « J’ai partagé les données préliminaires avec mes abonnés », a ajouté cet internaute, sans plus de détails.
Autre élément à noter : des recherches poussées sur internet n’ont permis de trouver aucune trace du « Centre d’études politiques international » présenté comme l’auteur de ce « sondage ».
Contacté par #SaytuSEN2024, le Sénégalais Mountaga Cissé (@mountcisse), spécialiste des médias numériques et analyste des technologies, médias et télécommunications, a déclaré : « En aucune façon, ce sondage ne peut être légitime ».
M. Cissé soupçonne par ailleurs l’auteur de ce prétendu sondage d’avoir utilisé les données de recherche des tendances en nombre de visionnages des vidéos du journal de la campagne pour la présidentielle de 2024, qu’il partage quotidiennement sur le réseau social X.
Sur les sondages politiques en période préélectorale au Sénégal
Au Sénégal, une loi en vigueur depuis 1986 interdit les sondages d’opinion en période préélectorale.
Jusqu’à la publication de cet article, nous n’avons pas été en mesure de nous procurer une copie de cette loi (Loi numéro 1986/16 du 14 avril 1986) ou celle de son décret d’application, le site officiel contenant cette archive était inaccessible lors de nos multiples tentatives).
Des extraits figurent cependant dans un article sur le sujet publié le 9 novembre 2011 par le diffuseur public français Radio France Internationale (RFI) sur son site. « La publication ou la diffusion de tout sondage d’opinion ayant un rapport direct ou indirect avec un référendum ou une élection réglementée par le Code électoral est interdite à compter de la date de publication au journal officiel du décret portant convocation du corps électoral jusqu’à la publication définitive des résultats du scrutin », stipule le texte de cette loi.
Sur l’auteur de la publication vérifiée sur ex-Twitter
Le prétendu sondage rapporté par l’internaute Luka Malle a été évoqué par le journal panafricain Jeune Afrique dans un article daté du 19 mars 2024 publié sur son site (en accès payant).
Avant ce cas plaçant en tête Bassirou Diomaye Faye, de la Coalition Diomaye président, dans les hypothétiques intentions de vote, d’autres enquêtes d’opinions supposées avaient circulé, donnant l’avantage à l’ancien Premier ministre Amadou Ba, candidat de la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yakaar (BBY), ou à l’ancien ministre et ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall (opposition), rappelle Jeune Afrique. Il s’agit de « sondages fantaisistes », indique-t-il.
Africa Check a publié des articles évoquant certains de ces prétendus sondages (1, 2).
D’après Jeune Afrique, l’auteur de la publication sur le sondage non authentifié en faveur du candidat Bassirou Diomaye Faye « dissimule un compte de propagande satellite de la firme russe de mercenaires Wagner ».
« Le groupe Wagner est une société militaire privée russe fondée en 2014 par Evgueni Prigojine, un proche du président russe Vladimir Poutine, et par Dmitri Outkine, ancien agent du renseignement russe », explique le magazine francophone Courrier international dans la présentation d’un dossier sur son site compilant des articles sur le sujet. De même source, ce groupe « a notamment été actif lors de la guerre civile syrienne puis dans d’autres zones de conflits où Moscou ne peut déployer une force régulière » : Mali, Libye, Centrafrique, Ukraine, entre autres pays, puis « la société s’est diversifiée en étendant ses activités dans la prospection minière, en Afrique notamment ».
Prigojine et Outkine ont péri dans un accident d’avion en août 2023.
D’après un spécialiste de ces questions, le chercheur italien Alessandro Arduino, cité par le média indépendant The Conversation, après le décès des chefs de Wagner, une transformation était en cours au sein du groupe, dont les activités en Afrique « sont désormais placées sous la supervision directe du ministère russe de la Défense ». Et « dans le cadre de cette transformation, le ministère de la Défense l’a rebaptisé Africa Corps », a-t-il affirmé dans cet article publié le 20 février 2024.
En 2023, All Eyes On Wagner, un projet d’investigation sur des renseignements en sources ouvertes sur les activités de Wagner, avait également établi un lien entre le compte Luka Malle ayant publié le sondage non authentifié et le groupe armé russe. Ce compte est une « personne qui n’existe pas, mais est citée jusque dans les médias russes de Wagner », peut-on lire dans un article publié le 3 août 2023 sur le site du projet. All Eyes On Wagner l’évoque aussi dans des publications sur ex-Twitter depuis 2023.
Cet article est produit par l’Alliance des vérificateurs de faits pour l’élection présidentielle sénégalaise de 2024, #SaytuSEN2024, un groupe de fact-checkeurs de médias et d’organisations de la société civile qui luttent contre la désinformation concernant les élections.
Fact-Checking
[Vérification] – Attention, cette offre d’argent prétendue de « la femme de Sadio Mané » est une arnaque
Une page sur Facebook escroque des utilisateurs en se faisant passer pour la femme de Sadio Mané et en leur promettant de l’argent. Nous vous démontrons son procédé. Ne tombez pas dans le piège !
Au Sénégal, la rentrée scolaire pour l’année 2024-2025 est prévue ce jeudi 3 octobre pour le personnel enseignant et le 7 octobre pour les élèves.
Dans ce contexte, des arnaqueurs profitent de cette période pour escroquer les personnes. Par exemple, une page sur Facebook, Aïcha tamba officiel de sadio mané, prétend être celle de l’épouse de Sadio Mané, la star du football sénégalais. Cette page a publié des dizaines de messages affirmant vouloir aider financièrement les gens, en particulier pendant cette période de rentrée scolaire.
Le 10 septembre, la page a publié des photos de l’épouse du joueur, accompagnées de la légende suivante : « La rentrée veux commencer écrire pour aider 800.000 pour chacun si tu es intéressé écrire mois en message je suis là inchallah pour 18 premier personne (Sic) ». La publication a été partagée plus de 600 fois et de nombreuses personnes ont manifesté leur intérêt pour cette aide.
La plupart des publications de la page invite les utilisateurs à cliquer sur un lien qui les redirige vers la messagerie de Facebook Messenger.
Nous nous sommes prêtés au jeu afin de vous démontrer en quoi ce type de pages sont des arnaques et pourquoi vous devez vous en méfier.
Fraude
Les informations sur la page incriminée indiquent qu’elle a été créée le 2 août 2024. Aucun numéro de téléphone n’a été fourni, et elle est simplement décrite comme une création digitale.
Des messages mal rédigés
Les arnaques se caractérisent souvent par une écriture, une orthographe et une grammaire médiocres. Ce texte, « La rentrée veux commencer écrire pour aider 800.000 pour chacun si tu es intéressé écrire mois en message je suis là inchallah pour 18 premierpersonne », en est un exemple révélateur, truffé de fautes.
En parcourant les publications de la page, nous avons trouvé que la publication en date du 10 septembre a suscité beaucoup d’intérêt.
Dans les commentaires, de nombreuses personnes manifestent leur intérêt pour l’aide prétendue de l’épouse de Sadio Mané. Toutefois, c’est une autre page qui répond aux intéressés, leur demandant de les contacter sur WhatsApp pour plus d’informations : « Adoukè Niaki Merci d’avoir nous contacter.pour plus d’informations veuillez nous envoyer message sur WhatsApp :+225 07 02 24 39 20 ». Il s’agit d’un numéro venant de la Côte d’Ivoire. Grâce à truecaller nous avons appris que le contact est enregistré ainsi « Demande de prêt en ligne ».
Pour obtenir des informations supplémentaires sur cette offre, nous avons décidé de nous faire passer pour des utilisateurs crédules en contactant la page via Messenger. Notre interlocuteur prétend être l’épouse de Sadio Mané et nous annonce qu’il peut nous aider financièrement pour nos projets. Il nous demande ensuite s’il peut nous faire confiance.
Après avoir acquiescé, il nous envoie immédiatement le numéro de téléphone de son supposé gestionnaire de compte sur WhatsApp, un numéro provenant du Bénin (002250502390834). Par la suite, il nous explique que pour bénéficier de cette aide, nous devrons au préalable payer les frais de déblocage de notre transfert. « Par rapport à mon aide je prends l’engagement de t’aider avec une somme de 800.000f et tu vas pouvoir démarrer avec ce peu. Avec le temps je verrai quoi faire mais garde bien ta bouche 🙊 et ne dire rien a personne car pour toi c’est une chance . J’ai informé la direction de l’Ecobank pour qu’il puisse t’effectuer le transfert. Mais ils vont te demander les frais de déblocage de ton transfert donc tu es en charge toi même pour ces frais. Si tu es d’accord je vais t’envoyer le WhatsApp de mon banquier et tu vas l’envoyer un message sur WhatsApp pour suivre les instructions (Sic)».
Sur WhatsApp, le contact est enregistré sous le nom de « Directeur Ecobank ». Nous avons envoyé un message au nom de la soi-disant épouse de Sadio Mané. En réponse, on nous a informés que pour bénéficier de cette aide, il fallait d’abord fournir des informations personnelles : nom, prénom, pays, profession, numéro de téléphone et photo d’identité.
Suite à notre discussion, nous avons décidé de faire des recherches sur le numéro du soi-disant gestionnaire sur TrueCaller. Nous avons appris qu’il est enregistré au nom d’un certain Bonn et qu’il est localisé en Côte d’Ivoire.
Par ailleurs, nous avons également effectué des recherches sur le directeur d’Ecobank. Ecobank est une structure qui dispose d’un directeur général qui est Jeremy Awori ainsi que de directeurs dans chaque pays.
Dans le cas de cette arnaque, la personne avec qui nous avons discuté sur WhatsApp a usurpé la photo du directeur d’Ecobank Côte d’Ivoire Paul-Harry Aithnard pour l’utiliser sur son profil WhatsApp.
Après un certain temps sans réponse de notre part, la personne a appelé pour demander pourquoi nous n’avions pas encore rempli le formulaire, nous avons prétexté un problème de connexion. Cependant, elle a menacé de nous retirer du programme si nous ne complétions pas rapidement le formulaire. Ce que nous n’avons pas fait évidemment.
Conclusion
Cette offre d’aide financière attribuée à l’épouse de Sadio Mané est une arnaque. Elle exploite la notoriété du footballeur sénégalais pour tromper des utilisateurs crédules. La page frauduleuse, créée récemment, utilise des messages mal rédigés pour susciter l’intérêt, notamment en cette période de rentrée scolaire. Les victimes sont ensuite dirigées vers des escrocs se faisant passer pour des gestionnaires de comptes bancaires, qui demandent des frais de déblocage de transfert et des informations personnelles. Cette technique, courante dans les fraudes en ligne, vise à extorquer de l’argent et des données sensibles, nécessitant la vigilance des internautes.
Fatoumata Bintou Ba
Cette production a été réalisée avec le soutien de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) dans le cadre du projet « Jumelage entre initiatives francophones de lutte contre la désinformation ».