Connect with us

Actualité

Edito Commun – Le monstre trahit encore son serment

Avatar photo

Publié

on

Guinée

Sur une chaîne de télévision française en octobre 2015, Macky Sall, alors président de la République depuis 3 ans et demi, prenait l’engagement solennel suivant : « Vous ne verrez jamais au Sénégal pendant ma gouvernance, un journaliste mis en prison pour délit de presse. Les journalistes n’ont aucun risque au Sénégal. Ça, je le dis très clairement et je ne serai pas démenti. »
Sept ans plus tard, précisément le 9 novembre 2022, le journaliste Pape Alé Niang, directeur du site d’informations Dakarmatin.com, est raflé puis jeté en prison pour des… délits de presse. Rattrapé par l’histoire, le Président Macky Sall a bel et bien été démenti par ses propres services. En effet, c’est le procureur de la République, le bras judiciaire tout-puissant du pouvoir politique, qui a fixé les réquisitions ayant précipité l’emprisonnement de notre confrère à la prison de Sébikhotane.


On ne se consolera pas de constater que ce n’est pas la première fois que le Président Sall est pris en flagrant délit de violation de ses propres engagements devant le peuple sénégalais et même devant la Communauté internationale. Mais l’agression du 9-novembre contre la presse sénégalaise qui aboutit à priver de liberté un journaliste dans l’exercice de ses fonctions est autrement plus grave. Il s’agit d’une atteinte délibérée et intolérable aux droits sacrés et inaliénables que la Constitution du Sénégal, la Déclaration universelle des droits de l’homme et des Chartes internationales comme celle de Munich reconnaissent expressément à ceux et celles qui exercent le métier de journaliste. C’est clairement inacceptable !


L’arrestation de Pape Alé Niang en pleine rue alors qu’il vaquait à ses occupations – violence symbolique – et la diligence avec laquelle il a été privé de liberté est une opération politique kamikaze. Son but ultime est, au pire, de neutraliser les plumes et voix encore attirées par le réflexe professionnel de fouiner dans les placards à cafards des détenteurs de responsabilités publiques, au minimum de susciter une épidémie d’autocensures et de renoncements dans les rangs de notre profession. C’est inenvisageable ! Cette tentative d’assignation à résidence du journalisme de qualité entre les geôles de la médiocrité et les souterrains pénitenciers de la révérence est un mépris et une insulte à l’endroit de tous ceux qui ont fait le serment d’informer vrai en toutes circonstances.

Dans son ouvrage « La valeur de l’information », Edwy Plenel, directeur co-fondateur de Mediapart, identifie « deux éléments décisifs » qui donnent sens au journalisme : « L’obligation envers la vérité et la loyauté vis-à-vis du public. » Au regard de cela, Pape Alé Niang doit-il rester encore en prison ? NON !
Cette affaire-ci est un véritable tournant porteur d’une jurisprudence fondatrice soit d’un musellement légalisé de la presse sénégalaise, soit d’un environnement de travail où les journalistes continuent de s’épanouir sous le contrôle de leurs pairs et des principes de liberté/responsabilité conformes aux fondamentaux de leur métier. Ce qui se joue ici et maintenant est donc d’une gravité exceptionnelle pour l’avenir de la presse, des journalistes, de la liberté d’information, du droit à l’information pour le public. Avons-nous encore le pouvoir d’informer les Sénégalais en toute liberté ? Avons-nous toujours le pouvoir de choisir, en toute liberté, les orientations d’une mission de service public chevillée à la défense de l’intérêt général ? Avons-nous le pouvoir de refuser les injonctions – aimables ou directrices – qui infiltrent notre profession en la caporalisant au service d’intérêts privés couverts du manteau de la puissance publique ? Les « OUI » à ces questions ne dépendent que de nous, journalistes, et de tous les démembrements du peuple sénégalais attachés aux libertés de presse et d’expression. Les « NON » aussi.


Les soubassements politico-revanchards qui caractérisent ce dossier puent à dix mille lieux. Leur évidence est grotesque et manifeste. Ils sont les préliminaires d’une offensive visant à réduire au silence toutes sortes de contestations de nature à mettre en cause la volonté de puissance qui sous-tend la gouvernance actuelle du Sénégal. Les puissants enjeux politiques qui pointent à l’horizon, en particulier l’élection présidentielle de février 2024, en sont LA RAISON ESSENTIELLE. Les médias encore libres en sont LES CIBLES.


Après avoir fait semblant de dormir, le « Monstre » a dû quitter l’état de somnolence pour reprendre du service. La violence et la détermination avec lesquelles il a fait boucler en quatre jours l’étape d’incarcération de Pape Alé Niang menace fondamentalement la profession de journaliste, mais aussi le droit à l’information des Sénégalais. Du reste, il se satisferait bien que les journalistes sénégalais se transforment en chroniqueurs de chiens écrasés, de ragots de comptoir, de faits divers spectaculaires… loin des problématiques qui structurent l’état réel du pays.
Mais « Le Monstre » doit se convaincre – et définitivement – que les journalistes sénégalais n’acceptent pas d’être les victimes expiatoires des dysfonctionnements de ses pratiques politiciennes. Les hommes et femmes des médias qui ont fait le choix de servir l’intérêt public général n’ont pas vocation à être les otages de concepts fourre-tout dont les finalités servent en fin de compte l’affairisme de groupuscules privés de politiciens publics. C’est rigoureusement impensable !

Advertisement


Pape Alé Niang ne méritait pas un instant de passer une seule nuit en prison. Les motifs inavoués de son embastillement relèvent de l’instrumentalisation flagrante d’une justice au sein de laquelle l’hyper-puissance d’une marionnette enchantée dénommée Parquet a décidé de réduire nos libertés à leur plus petite expression, sur ordre d’un pouvoir politique en stage d’autoritarisme. Ce ne sont pas seulement les journalistes et les activistes qui font les frais de ces dérives liberticides, c’est aussi une certaine idée de la démocratie et de la séparation réelle des pouvoirs qui est en train d’être anéantie.


Avant d’être assassiné par des mercenaires du régime de Blaise Compaoré, le journaliste d’investigation burkinabè Norbert Zongo écrivait en 1993 que « les peuples comme les hommes finissent toujours par payer leurs compromissions politiques : avec des larmes parfois, du sang souvent, mais toujours dans la douleur. »
Pour nous Sénégalais, il est encore temps de réagir !
𝐋𝐢𝐛é𝐫𝐞𝐳 𝐏𝐚𝐩𝐞 𝐀𝐥é 𝐍𝐢𝐚𝐧𝐠 !
𝐏𝐀𝐍 ! 𝐀 𝐛𝐚𝐬 𝐥𝐞 𝐦𝐨𝐧𝐬𝐭𝐫𝐞 !

Fact-Checking

[Vérification] – Attention, cette vidéo virale n’a rien à voir avec les récentes inondations en Guinée

Avatar photo

Publié

on

Guinée

Sur Facebook, une page a publié une vidéo virale prétendant montrer les dégâts des récentes inondations en Guinée. Mais, ces images en vue aérienne sont hors contexte et n’ont aucun lien avec le pays. On vous explique.

Le 25 août 2024, la page Facebook STARS a publié une vidéo avec une légende affirmant : « Alerte : vue aérienne de Conakry, inondations totales à Lansanayah ». La vidéo est supposée montrer les conséquences des fortes pluies survenues à Conakry. Partagée par plus de 848 personnes, elle comptabilisait, au 30 août 2024, plus de 180 000 vues, 1 250 likes et 256 commentaires.

Cette publication fait suite aux pluies diluviennes qui ont frappé la Guinée dans la nuit du 23 au 24 août 2024. Ces intempéries ont causé la mort d’au moins une personne et la disparition d’une autre, selon le rapport provisoire de l’Agence nationale de gestion des crises et catastrophes humanitaires (ANGUCH) publié le 24 août 2024. Le même rapport indique que les pluies ont touché 3 437 ménages, soit environ 17 185 personnes, tandis que 306 personnes ont été secourues grâce aux efforts des équipes de secours déployées sur le terrain.

Guinée

Vidéo hors contexte 

En utilisant le logiciel InVID pour une recherche inversée d’images, nous avons trouvé au moins deux occurrences de cette vidéo virale en ligne, où elle a été utilisée pour illustrer des inondations au Bangladesh. Toutefois, cette vidéo est en réalité filmée au Brésil. Une recherche supplémentaire avec Google Lens  a permis de retrouver la vidéo originale publiée sur TikTok le 4 mai 2024 par le compte gugamullers.

La publication est accompagnée du texte suivant : « Un travail sans fin de ces héros, de la communauté et des gens qui cherchent à aider tout le monde dans le besoin. Images du jour 04/05/2024 dans le quartier de Santo Afonso à Novo Hamburgo, Rio Grande do Sul ».

La vidéo a généré plus de 9,2 millions de vues.

Advertisement
Guinée

De plus, en examinant attentivement les images, on peut apercevoir le mot « Atacarejo ». Il s’agit d’un terme portugais désignant un type de commerce mêlant supermarché (« varejo ») de détails et vente en gros (« atacado »), courant au Brésil, d’après unarticle du magazine The Brazilian Report qui précise que les atacarejos sont spécifiques au Brésil, renforçant l’idée que la vidéo ne provient pas de Guinée.

Par ailleurs , le paysage de la ville dans la vidéo vérifiée sont identiques à ceux capturés dans un reportage de France 24 et Euronews sur les inondations dans le sud du Brésil.

Guinée

Inondations au Brésil, mai 2024

En mai 2024, le sud du Brésil, en particulier l’État de Rio Grande do Sul, a été frappé par des inondations dévastatrices, les plus graves que la région ait connues depuis plus de 80 ans, selon un article de Reuters, une agence de presse internationale basée à Londres. Ces inondations, provoquées par une combinaison de phénomènes météorologiques extrêmes, ont causé la mort de plus de 169 personnes, des milliers de blessés et des centaines de disparus. Plus de 580 000 personnes ont été déplacées, dont environ 68 500 se sont réfugiées dans des abris, rapporte Mongabay, un média en ligne américain spécialisé dans les questions environnementales, notamment la conservation des forêts tropicales et la biodiversité.

Conclusion

Cette vidéo, supposée montrer des inondations en Guinée, a en réalité été filmée au Brésil et diffusée sur TikTok depuis mai 2024.

Fatoumata Bintou Ba


Cette production a été réalisée avec le soutien de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) dans le cadre du projet « Jumelage entre initiatives francophones de lutte contre la désinformation ».

Advertisement
Lire la suite